Depuis que je suis né, j’ai toujours été rejeté par mes deux peuples : les loups car je suis un homme, les hommes car je suis un loup. Cet état a fait de moi un être solitaire, chasseur de prime, métier qui m’a rendu méfiant et assez sanguinaire. Ainsi, si j’aime les villes des hommes, je ne m’y rends que de nuit, longeant les murs, fondant dans le dos de mes potentielles victimes, car au fil de sans, j’ai pris goût à leur sang.
On dit que je suis né à Malpertuis, une bâtisse légendaire, dont nul ne sait l’exacte localisation, où un vieil alchimiste immensément riche et immensément fou, qu’on nommait l’oncle Cassave, bravait les dieux avec sa magie et sa chimie. Suis-je le fruit d’une de ses expériences ?
Un soir, alors que je venais de traverser un pont, dénichant une ruelle bien sombre, j’y vis une porte entrouverte d’où émergeait une faible lueur, et bien que je me méfie habituellement de tels traquenards, je ne sais ce qui m’a poussé à y pénétrer.
Mais, surprise, bien que je me croyais parfaitement camouflé, j’y tombais nez à nez, dans une pièce rustique et sobre, avec un worgen qui semblait m’avoir deviné et s’intéresser à moi. Je tentais de lui parler, espérant avoir trouvé, sinon un complice, au moins une présence amicale. Mais sait-il parler ?
(mouflette)
(punaise)

La soirée est longue. J’ai pas mal picolé et la pièce tourne toute seule. D’habitude j’encaisse bien mais ce nain qui m’a mis au défi ce soir c’était du lourd ! Je connaissais pas l’immense faculté alcoolique de cette race… va falloir que j’arrête de parier de l’argent sans connaître mes adversaires. Foutue soif de victoire, ça me rend trop orgueilleuse !

La tanière est silencieuse. Pas un bruit sinon les fracas de mes griffes malhabiles qui égratignent le sol. Benneth va me gueuler dessus, un parquet rapporté de Gilnéas même… j’éclate de rire en m’écroulant sur une chaise. Accoudée à la grande table où mes loups ont l’habitude de manger, je laisse tomber ma gueule dans le creux de mon bras. L’autre patte pendante retient ma dernière bouteille de vin. Je me torche au goulot, sentir la fraîcheur du verre cogner contre mes babines en laissant échapper le goût âpre de nos vignes sans soleil me rappelle mes soirées de solitude. La chaleur du feu me brûle la tronche. J’oublie mon regard dans les flammes de la cheminée. Des petits rots me font légèrement sursauter, ça me ferait marrer si j’étais pas aussi mal.

Des bruits des pas… Une personne rentre dans la tanière. Certainement un de mes loups, je me disais bien que je devais pas être la seule insomniaque ce soir. Je relève péniblement la tête en plissant les yeux pour affûter ma vue. Bordel je vois flou !! La pénombre de la pièce n’arrange pas mon affaire.

- Qui est là ?!

Mon ton d’habitude autoritaire se trouve plutôt enivré et ridicule à cette heure avancée de la nuit. La bouteille me tombe des mains, je suis plus bonne à rien. Elle éclate sur le sol en étalant le reste de liquide sur ce maudit parquet... oups!

- QUI EST LÀ BORDEL ?!!

Je laisse retomber ma tête sur mon bras en soupirant. Je déteste me sentir impuissante. J’espère que c’est bien un de mes loups…

Ton état d’ébriété explique ton silence ; moi aussi, il m’arrive parfois de céder à la dive bouteille, mais je n’avais pas remarqué le nain. Faut dire que je n’aime pas trop cette engeance : je les trouve braillards, trop suffisants et un peu puants. Finalement, nous les Worgens, ne sommes-nous pas des monstres ? Au point que je me demande parfois ce que nous faisons dans l’Alliance, comme les Elfes de Sangs, si coquets, dandys, organisés, grands bâtisseurs, qui seraient mieux à leur place dans notre camp.
Je suis né ici, et défend notre camp, bien entendu, mais souvent, je supporte mal ces roitelets et généraux qui se croient issus de la cuisse d’Aile-de-Mort, se croient déjà empereurs, alors qu’on attend encore qu’ils fassent leurs preuves.
Et puis, vu le mal qui rôde et détruit nos terres, ne vaudrait-il pas mieux que nos factions allient leurs forces ? Mais je m’égare, sans doute à cause des effets de ton haleine !
Par contre, cette pièce où je suis entré, je m’y suis de suite senti bien. Est-ce ta demeure ?